J’ai parcouru en solitaire les routes d’Asie, d’Europe de l’Est, d’Amérique du Nord, à pied, à vélo, en train et sur l’eau. Et j’y ai aussi guidé beaucoup de voyageur.e.s.
Je suis devenue guide sur circuits touristiques organisés dans mon pays, et d’expédition dans des pays où la culture est très différente de la nôtre. Mon travail est de rassurer, de justifier les mœurs du pays, souvent d’orienter le regard. Face à l’inquiétude et l’inconfort de l’exil, l’humain touriste cherche la consolation, la rencontre, même illusoire. Pourtant voyager implique l’acceptation d’être de passage, de ne pas appartenir, de ne pas tout comprendre et avoir pourtant confiance en notre perception et en la valeur de cette expérience. Si celle-ci est ainsi assumée, elle laisse place à l’interprétation, à la création, et même à la rencontre qui sera toutefois brève. Dans cette brièveté, il y a l’intensité. En marche sur des trajectoires arbitrairement désignées ou choisies, les sens sont exacerbés, parce qu’on se place en état de découverte de champs en friche où tout est étranger, à appréhender, à interpréter ; même le contexte, même le nom des lieux.
Sylvie Laplante 